Arthur De Grave. Editions Rue de l’Echiquier. Septembre 2019.

Start-up Nation, Overdose Bullshit est un “petit livre”, plus sérieux qu’il en a l’air. L’objectif d’Arthur De Grave : montrer ce qui se cache sous le “fatras abscons” de la Start up Nation. Car, au delà du vide apparent, se trouve un projet politique puissant.
L’auteur pose deux questions : (1) quel programme économique la Start-Up Nation porte-t-elle ? (2) mais surtout, quelle reconfiguration morale et politique annonce cette antienne ?
Dans sa première partie La Start-Up Nation, ou la politique économique pour les Nuls, Arthur de Grave démontre que l’ambition affichée de faire de la France un champion de la “tech” (sic) et un pays de licornes (start-up qui a réussi…) n’est qu”un affichage politique. En effet, rien n’est pensé pour que cette ambition se réalise : politique de la recherche chétive, secteur du capital-risque réduit à peau de chagrin, etc. Il n’existe pas de volonté réelle de transformer le paysage économique français. Le Roi est nu…
Et après tout, ce n’est pas grave : les start-up (dans les secteurs de la biotech, la fintech, la cybersécurité, la foodtech…) ayant avant tout la vertu de capter la valeur ajoutée créée par ceux qui mettent les mains dans le cambouis ou de produire des monstres… De cela, c’est dommage, Arthur de Grave ne parle quasiment pas.
La seconde partie du livre De la Start-Up Nation comme idéal moral est assez passionnante : le discours Start-Up Nation, et la mise en avant de ces concepts et de ces héros (le co-working, le pitch, Jeff Bezos, Steve Jobs, etc.), vise à reconfigurer en profondeur l’esprit français. La Start-Up Nation est le “véhicule d’un discours de propagande”, selon les mots de l’auteur. Il permet de vanter un monde où chaque individu est entrepreneur ; de rendre la société de castes désirable ; et de justifier les inégalités croissantes. Pour Arthur De Grave, une des principales fonctions de ce discours est d’asseoir un nouvel imaginaire inégalitaire.
“Le startupeur esquisse un idéal moral. […] C’est l’individu dont rêvent les néolibéraux depuis cinquante ans : celui qui a si parfaitement intériorisé les impératifs de la compétition économique qu’il n’a besoin de personne d’autre de lui-même pour s’exploiter. […] La Start-Up Nation est le lieu de fusion de l’homme et de l’entreprise.“
Le plus intéressant dans cet essai se situe dans les dernières pages : l’esprit Start-Up a infiltré les politiques publiques tel que le solutionnisme technologique est devenu la méthode de gouvernement et d’administration du pays. Avec le solutionnisme technologique, il n’y a pas de complexité, pas de structure, pas de fonctionnement systémique, juste des problèmes à résoudre. Un problème = une solution. Et qui d’autres que les agiles start-up pour les construire…*
Pour en savoir plus : https://www.ruedelechiquier.net/essais/239-start-up-nation-overdose-bullshit.html
*Ce solutionnisme technologique intervient dans tous les domaines, y compris dans la résolution de la pauvreté (coucou French Impact)… ce sujet fera sans doute l’objet d’un article en 2020 dans La Vie en Cube !
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