Alexandre Friederich, Allia, 2020.

J’ai commencé à m’intéresser aux questions de bioéthique au détour d’une réflexion sur le désir d’enfant et les représentations sociales de l’enfance, il y a quinze ou vingt ans. Très vite il m’est apparu que l’industrie de la procréation médicalement assistée portait en elle les promesses d’une toute puissance destructrice qui ne cessa de croitre à mesure que la biologie et la génétique se rapprochaient du numérique.
Je me demandais alors pourquoi certains mettaient-ils autant d’énergie à développer des techniques et des pratiques qui ne peuvent à termes que mettre fin à notre existence ? Sont-ils convaincus du contraire ou pensent-ils l’humanité si décevante qu’il faille la faire disparaitre ; ou du moins la changer suffisamment pour la rendre définitivement autre ? Faut-il, plus prosaïquement, s’arrêter aux seules questions économiques et enjeux de carrières de certains pour comprendre ce phénomène – ce qui justifierait en soi qu’il faille peut-être effectivement se débarrasser de l’espèce humaine ? A moins que tout ceci ne résultent que de l’expression d’un imaginaire scientifique, de l‘excellence d’une pensée créatrice qui devrait au contraire nous rassurer sur la santé et l’avenir de l’espèce humaine ?
J’avoue avoir plus ou moins cessé de me la poser la question, jusqu’à ce que je tombe, au hasard d’une promenade qui devait me conduire à une bien plaisante librairie, sur le dernier ouvrage d’Alexandre Friederich : « H+ ». Étrange tire et étrange couverture dont le très bon éditeur Allia a le secret et qui ne pouvaient qu’attirer mon regard.
La quatrième de couverture intrigue encore davantage : « La dématérialisation de toutes choses relève-t-elle d’un programme ? ». Après les derniers ouvrages de B. Chaouat, B. Vergely et consorts, y aurait-il ainsi un ouvrage neuf sur ces questions ?
Soit, j’ouvre donc ce livre à la dernier page de l’introduction, comme cela m’est habituel, et je lis ceci : « Pour conjurer le vertige et éviter la chute, demandons-nous : qui sont les avocats de cet-homme machine ? Quels espoirs fondent-ils ? Pourquoi des hommes de chairs et d’os travaillent-ils à l’avènement d’une civilisation émergente, c’est-à-dire tout autre, une civilisation qui implique la disparition de ce que nous sommes ? ».
Si vous lisez ces lignes, sur La vie en cube, c’est sans nul doute que vous vous posez vous aussi ces questions. A lire donc… Quelle que soit la réponse apportée par l’auteur.
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