Frédéric Spinhirny, Naître et s’engager au monde. Pour une philosophie de la naissance, Payot, 2020.
L’auteur, philosophe et directeur adjoint à l’hôpital universitaire Necker-Enfants malades, se propose de jeter les bases d’une philosophie de la naissance. Non pas que naissance n’ait jamais été abordée par la philosophie – l’auteur rappelle ce que la tradition occidentale doit à Socrate, à la relation à sa sage-femme de mère et la maïeutique ; de même qu’il s’appuie sur l’importance accordée à la naissance dans l’œuvre d’Anna Arendt. Mais l’intérêt pour la naissance est sans commune mesure rappelle-t-il avec celle occupée par la mort dans la pensée philosophique.
L’essai est divisé en 4 chapitres : Venir au monde, Mettre au monde, Venir et s’engager au monde et Naître dans un monde en ruine – le tout constituant un « plaidoyer en faveur d’une renaissance de la naissance » (p. 28). L’ouvrage suit ainsi une ligne directrice : réhabiliter la naissance, non seulement comme catégorie de la pensée philosophique, mais comme condition même de régénération de la société.
Le fait que le monde puisse être « en ruine » ou que l’arrivée d’un enfant s’accompagne de mille atteintes à notre confort quotidien ne devrait pas nous convaincre d’une stérilité choisie ; bien au contraire. Chaque naissance est une chance pour l’individu d’échapper à la routine mortifère, et pour la société une opportunité d’habiter peut–être autrement le monde – parce que chaque nouvel être modifie le monde et porte ainsi en lui la potentialité d’une vitalité, celle d’un engagement dans et pour la cité. La naissance est toujours davantage qu’un acte privé.
Dans un contexte de crainte légitime, où l’essor de la collapsologie charrie un pessimisme généralisé et une suspicion à l’endroit de ceux qui oseraient encore se reproduire, l’auteur affirme que « faire naître participe de l’édification d’un monde ouvert à la pluralité où d’autres solutions de vie sont possibles ».
Certes, mais encore faut-il pour cela, préserver la naissance et l’éducation de tout automatisme, de toute mécanisation et standardisation… Ce que Frédéric Spinhirny résume ainsi « Nous devons conserver la possibilité de l’homme, et d’un homme capable d’agir librement dans un monde à sa mesure » (p. 167).
Tel est nul doute l’enjeu de notre siècle.