“Je ne dis pas oui à un moratoire, je dis oui à un débat.” Amélie De Montchalin, Ministre de la Transformation et de la Fonction publiques, France Info, 15 septembre 2020.
N’ayez crainte amis technophiles, idolâtres des iPhones passés et à venir, les élus écologistes ayant lancé cette vilaine idée de moratoire n’entendent guère revenir à la lampe à huile, pour reprendre l’expression utilisée par le président Macron commentant cette proposition. Ils sont tout autant convaincus que le progrès de l’espèce humaine et de la démocratie passe par toujours plus de recours au numérique, par le développement des technosciences, des biotechnologies… et ils le tweetent !
Mais si la possibilité même d’un moratoire est impossible, à quoi bon débattre ? Quel serait le sens de ce débat qui ne semble pouvoir déboucher sur rien d’autre que l’implantation, partout, de la 5G ?
Son président Macron nous l’avait déjà expliqué la veille : « La France va prendre le tournant de la 5G parce que c’est le tournant de l’innovation ». Les propos d’Amélie de Montchalin enfoncent le clou. C’est comme ça. There is no alternative, comme disait leur grand-mère.
La démocratie s’efface donc devant le progrès technique.
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Dans son livre, La Puissance du rationnel, Dominique Janicaud qualifiait de « techno-discours » « un discours ni strictement technique ni « autonome », langage parasitaire branché sur la technique, contribuant à la diffuser ou, faute de mieux, à rendre quasiment impossible (comme le fait une musique d’ambiance) tout recul radical, toute remise en question du phénomène technique contemporain en sa spécificité ».
Et il ajoutait que ce type de discours correspondait bien à celui de la publicité, à la pensée technocratique, à l’excitation informaticienne à la Servan-Schreiber ou encore à toute la « sauce politico-idéologico-audiovisuelle sur la compétition mondiale, la productivité, etc. ».
Les propos de De Montchalin sont tout ça à la fois.
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Peu importe que la 5 G puisse éventuellement être un multiplicateur des dégâts écologiques causés par le numérique, un outil de dégradation de nos modes de vie du fait du processus d’accélération supplémentaire des rythmes de vie qui devrait en découler et de l’extension des usages numériques à des domaines de notre existence qui en sont jusqu’à présent préservés. Et les possibles risques sanitaires, ou les aspects géopolitiques de cette affaire ? Tsss… Nous trouverons une application numérique pour y remédier si le cas se présente.
Et bien sûr, toujours plus de datas à vendre. Toujours plus de nous-même offert à d’autres. Mais cela, ça doit fait partie du plan de relance auquel chacun doit contribuer – selon ses moyens, cela va sans dire. Et il recevra selon ses besoins numériques.
Rappelons-le, Amélie De Montchalin est ministre de la Transformation et de la Fonction publiques – avec un S à « publiques ». Cela signifie qu’elle n’est pas responsable de la Transformation de toute chose, mais de la seule transformation publique – ils sont modestes chez LREM. La transformation du secteur privé? Vous n’y pensez pas !
Concernant ce dernier et l’accumulation des profits, nous l’aurons compris, tout doit continuer comme avant ; mais avec l’aide de la 5G à l’évidence.
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Comme l’écrivait Marx, « Le moulin à bras vous donnera la société avec le suzerain ; le moulin à vapeur la société avec le capitalisme industriel ». Et le moulin électro-numérique connecté à l’aide de la 5G ? La société des voitures autonomes ! Et la décision politique en pilotage automatique, en quelque sorte.
Norrin R.