On rêve d’être soi-même quand on n’a rien de mieux à faire. On rêve de soi et de la reconnaissance de soi quand on a perdu toute singularité. Aujourd’hui, nous ne nous battons plus pour la souveraineté ou pour la gloire, nous nous battons pour l’identité. La souveraineté était une maîtrise, l’identité n’est qu’une référence. La souveraineté était aventureuse, l’identité est liée à la sécurité (y compris aux systèmes de contrôle qui vous identifient). L’identité est cette obsession d’appropriation de l’être libéré, mais libéré sous vide, et qui ne sait plus ce qu’il est.
L’échange impossible, Galilée, 1999, p. 99.
Je pense qu’il reste dans chaque homme une forme de vitalité, quelque chose d’irréductible qui résiste, une singularité d’ordre métaphysique qui va même au delà de l’engagement politique, lequel n’est pas totalement liquidé d’ailleurs. C’est donc du côté du singulier qu’il faut rechercher l’antidote au mondial. Je dois d’ailleurs vous dire que si je n’avais pas la conviction qu’il y avait en l’homme quelque chose qui se bat, qui résiste, j’aurais tout simplement cessé d’écrire.
Entretiens, PUF, 2019, p. 420.