Olivier Rey, Réparer l’eau, Éditions Stock, 2021.
Il existe peu de choses qui ne soient plus intimement liées à la vie que l’eau. Aussi, la manière de la décrire, au gré des époques, nous renvoie comme dans un miroir la conception même qu’on se fait de la vie, si ce n’est de l’être humain, dont chacun sait, qu’il est lui-même composé majoritairement de cette même eau.
Entre la définition qu’en donne le poète Francis Ponge dans son bien nommé “Parti pris des choses” et celle qu’en donne la science s’affrontent ainsi deux conceptions de notre monde, et de nous même. Olivier Rey en offre une malicieuse démonstration en deux courts chapitres exposants, pour l’un l’eau de Ponge, et pour l’autre, un insupportable exposé scientifique consacré à cette même substance, pour lequel l’auteur nous prévient que sa lecture reste facultative…
Réparer l’eau, c’est ainsi, pour Olivier Rey, lutter contre la barbarie, au sens où l entend Michel Henri – c’est à dire non pas lutter contre la science, mais contre la prétention de cette dernière à imposer sa seule logique, le seul regard qui vaille sur toutes choses- l’imposition d’un univers de raison tel, qu’il en devient “mécaniquement” déraisonnable… Car l’eau, dépouillée du rêve, de la beauté, de sa nature insaisissable et purificatrice, n’est plus que H2o ; une ressource exploitable, parmi d’autres ; de celles qu’il nous faut à présent purifier, à l’image de l’homme lui-même, sans doute, pour espérer encore en un avenir.
Peut-être est-ce cela la véritable pensée écologique : prendre conscience que la pollution des choses commence par celle de l’esprit, par un basculement du regard et des sens qui noie la beauté des choses dans les eaux souillées de l’objectivisation gestionnaire, technique et scientifique.
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